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Le dernier chantepleure
Par Patrice CLEYRAT
 

Que sont les chanteurs folk devenus, que le public a tant aimés ? Ils ont été très clairsemés...
Après la grande vague des années 70, le réveil des provinces n'a eu qu'un temps. Seuls surnageront les artistes qui avaient un univers à eux, qui sont exempts des reproches d'insincérité et de suivisme par rapport aux modes. Joan Pau Verdier est de ceux-là. «Mi-oc mi-rock », écrivait un journaliste à son sujet, mais cela est déjà réducteur par rapport à la fusion très personnelle que représentent sa musique (ouverte au blues, cru blues-rock, au jazz-rock, au reggae...) et ses textes (poètes classiques français, fiais, argot, franglais, influences de Ferré et de Gainsbourg:..). Joan Pau Verdier chante toujours, donc, vit à Sarlat (Périgord) .

1- Le mouvement folk et régionaliste des années 70

 
A la Fin des années 60 et au début des années 70, l'univers musical français connaît de grands changements. Le rock qui s'est affirmé dans la période précédente avec les Yéyés puis avec les Chats Sauvages et les Chaussettes Noires, éclate littéralement avec des groupes tels que les Variations, Triangle, Ange, Magma, qui, à leur tour, investissent le Golf Drouot.
Côté chanson, c'est la fin de l'époque bénie pendant laquelle continuent à officier les géants Jacques Brel, Georges Brassens, et Léo Ferré. Des chanteurs à textes surgissent un peu partout, il s'agit de Henri Tachan, de Georges Chelon ainsi que de Nino Ferrer et de Jacques Dutronc, humoristes à l'écoute des rythmes américains, ou encore de Georges Moustaki qui triomphe en 1969 avec le Métèque. Suite à mai 1968, une chanson engagée mais aussi contestataire • affirme avec bien sûr Léo Ferré. artiste anarchiste, mais aussi Jacques Bertin, poète révolutionnaire François Béranger, alors souvent interdit de radio, Bernard Lavilliers qui est plus révolté que révoIutionnaire, ou encore Jean-Max Brua, spécialiste de la chanson-procès où la poésie fait de belles envolées. C’est alors que des pop-poètes voient le jour, engagés eux aussi, l'image de Catherine Ribeiro en collaboration avec le groupe Alpes, ou de Jacques Higelin et d'Areski. Le Folksong de Bob  Dylan fait des émules en France : Hugues Aufray ou Antoine en assurent les premières adaptations. Mais ce sont des chanteurs tels que Graeme Allwright, David Mc Neil et Dick Annegarn, tous trois d'origines étrangères, qui font pénétrer ce style dans le paysage français.
L'insurrection en matière de chanson est donc totale et très éclectique. Elle s'installe ensuite dans les principales régions de France que sont la Bretagne et l'Occitanie. Ce mouvement revendique le retour aux sources, la conservation d'un patrimoine culturel et linguistique, l'arrêt de l'exploitation des minorités ethniques. Des festivals s'organisent un peu partout avec des chanteurs prônant une nouvelle musique folk qui a pour but la sauvegarde des cultures régionales. En Bretagne, cette démarche avait été amorcée par Glenmor dès la fin des années 50. Ce chanteur, dans la tradition des bardes bretons est l'auteur de longues chansons-réquisitoires. Il créera avec Gilles Servat des labels indépendants de production et de diffusion de disques. Il s'agit de Kelenn et Kalondour. Ce dernier produira par exemple le groupe gallo Tri Yann an Naoned. Servat, lui, est un peu le fils spirituel de Glenmor, il a une démarche assez similaire. Mais leur combat engagé est moins riche que l'inspiration d'Alan Stivell qui concilie la redécouverte du patrimoine musical breton avec la création d'une musique de son temps, ouverture de la Bretagne sur la France.
Sur les mêmes bases de revendication, l'Occitanie engendre de nombreux chanteurs qui instaurent la nouvelle chanson occitane (novela cançon occitana). Il s'agit à la fin des années 60 de Broglia et de Marti. Viennent ensuite Peir-Andrieu Delbeau, Patric, Mans de Breich, qui, guitares à la main, parcourent l'Occitanie. Ces artistes chantent tous en langue d'oc, ils véhiculent des revendications régionalistes, économiques et culturelles. Le plus militant d'entre eux est Claude Marti : ses concerts se transforment souvent en meetings politiques. II chante d'ailleurs devant un public conquis d'avance. Il a le mérite d'avoir créé (en collaboration avec l'Institut d'Études Occitanes et Yves Rouquette, poète occitan) la maison de disques Ventadorn qui édite la plupart des chanteurs occitans. Quelques autres verront le jour comme par exemple Disc'Oc, Revolum ou Junqué. Joan Pau Verdier, quant à lui, n'adopte pas la même démarche que ces puristes occitans. Il fait ses premiers pas dans la chanson à Bordeaux dans les cabarets. Il chante en français des compositions personnelles et des reprises de Léo Ferré, Jacques Brel ou Félix Lederc. Il n'est nullement question de chanson occitane. II monte à Paris en 1969 et fait son tour de chant dans les cabarets rive gauche. C'est à ce moment-là qu'il prend conscience de son identité occitane; il dépoussière donc son occitan en quelques mois, cette langue qu'il avait apprise étant enfant avec son grand-père à Périgueux. Malheureusement, il lui est interdit de chanter en langue d'oc dans les cabarets parisiens sauf au Maravedi, café tenu par la chanteuse catalane Mara. Désireux d'enregistrer des chansons, il contacte la maison de disques indépendante Ventadorn qui accepte de le produire. C'est alors qu'éclate ce que l'on a appelé « l'affaire Verdier », qui défraya la chronique. Effectivement, au lieu de sortir un disque chez Ventadorn, Verdier signe chez Philips II s'attire ainsi les foudres des Occitans purs et durs qui, en agissant de la sorte, au lieu de servir l'Occitanie la détractent. Des artistes tels que Colette Magny, Catherine Ribeiro ou Maxime Le Forestier s'indignent de tels procédés. En effet, Verdier est traité de « suppôt du capitalisme», il est boycotté par les mouvements occitans alors très influents. Mais Verdier n'en a que faire, à l'image d'Alan Stivell, il s'ouvre au grand public en chantant en français et aussi en occitan. Ses créations sont originales et il sait aller au-delà des revendications autonomistes qui limitent l'artiste dans sa composition.
Artiste dont l'art est toujours en adéquation avec son époque, comme le montre son parcours musical, Joan Pau Verdier exploite une multitude de styles poétiques et musicaux qui lui permettent d'évoluer sans cesse.

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2 - Le parcours discographique et musical de Joan Pau Verdier

La discographie de Verdier débute en 1973 par le 45 tours Desemplumat (Désemplumé), suivi d'un 3 3 tours intitulé 0ccitania sempre (Occitanie toujours) qui comporte une face en occitan et l’autre en français. Les titres en occitan sont du poète périgourdin Micheu Chadeuil, ancien camarade de classe de Joan Pau Verdier. Seul un titre occitan est de Verdier: Chanti per tu (Je chante pour toi), les textes en français sont aussi de lui. L'enregistrement de ces chansons est très artisanal car il est effectué chez Benoît Kaufman, musicien orchestrateur arrangeur qui travaille alors avec Verdier. Ils jouent à eux seuls la totalité des instruments. La musique est folk, et très basée sur la guitare acoustique avec de belles mélodies à l'orgue. Il faut dire qu'à ce moment de sa carrière, Verdier a une formation de chanteur de cabaret, c'est-à-dire qu'il est habitué à chanter guitare à la main. Il va ensuite essayer de s'en détacher afin d'enrichir sa musique.
C'est dans cette optique qu'est enregistré L'exil en novembre 1973, toujours avec Benoît Kaufman mais avec cette nuance près: des musiciens de studio viennent ornementer certaines chansons dont Soi una puta (Je suis une pute), réponse de Chadeuil aux Occitanistes convaincus qui se sont manifestés lors de « l'affaire Verdier». En effet, Verdier a repris Chadeuil comme parolier sur quatre chansons. Comme dans Occitania sempre, les thèmes des chansons sont assez occitanistes mais la musique se fait plus rock. Verdier sollicite davantage les différentes sonorités de l'orgue, de la batterie, de la guitare électrique aussi. Ce disque est aussi l'occasion d'une magnifique chanson dédiée à Léo Ferré, avec un texte d'une richesse incomparable qui se déroule sur une guitare toute en arpèges et des contre-chants d'orgue (Maledetto, Léo.! )
Ferré est un personnage important pour Joan Pau Verdier, c'est donc logiquement qu'on le retrouve dans le disque Faits divers, avec la reprise en occitan de Ni Dieu, ni maître qui devient Ni Diu ni mestre. Verdier a, pour ce 33 tours, (paru en 1975) changé d'arrangeur. A la place de Kaufman, il travaille avec Jean-Claude Déquéant, alors orchestrateur dYves Simon. Il bénéficie aussi du groupe de ce dernier: Orphéon, composé de Christian Leroux (guitares), JeanClaude Guselli (basse), Serge Perathoner (claviers) et Dominique Bouvier (batterie). On trouve dans ce disque de très riches orchestrations expliquant les nombreux musiciens de studio présents pour l'enregistrement. L'un d'eux, Gilles Jerome (déjà présent sur L'exil, a son importance puisqu'il est depuis 1974 le musicien de scène de Verdier. La musique est assez ambiguë car elle présente en même temps un aspect rock très intéressant dans faits divers I et Il ou L e bal de la folie et un relatif côté folklorique avec Legenda (Légende) et T'aimerai (Je t'aimerai). Côté paroles, Chadeuil n'a composé qu'une seule chanson Presencias (Présences), tous les autres textes sont de Verdier. Ce disque obtient le  Grand prix de l'association de la cri tique de variétés.
En 1976, Joan Pau Verdier enregistre le disque Vivre qui est empreint d'un bel esprit rock avec un groupe d 'excellents musiciens que sont: Jean Kraut (guitares), Didier Alexandre (basse), Gilles Jérome (claviers) et Jean-François Leroi (batterie). Comme dans les disques précédents, on constate un équilibre entre le français et l'occitan aussi les reprises de trois anciennes chansons pour leur donner un nouveau visage plus électrique. II s'agir de Vivre, Sirventès, et las maussieras (les merises). De plus, trois musiciens de studio viennent renforcer le travail de groupe de Verdier et ses musiciens. Jean-Michel Hervé à la flûte traversière, Michel Ripoche (du groupe Zoo) au violon et Claude Améziane aux percussions amènent chorus et effets percussifs très enrichissants.
C'est avec Tabou-le-chat qui sort en 1977 qu'un véritable groupe se forme autour de Verdier avec la même base rythmique formée par Didier Alexandre (basse) et Jean-François Leroi (batterie). Alain Markusfeld (guitares) et Jacques Verrecchia (claviers) remplacent respectivement Jean Kraut et Gilles Jérome. La chanteuse Anita Bonan, elle aussi nouvelle venue, apporte un précieux plus sur le plan vocal.
Tabou-le-chat est un concept-album comme il en avait fait, par exemple, par le groupe Ange avec Au-delà du délire. Ici c'est le thème du chat qui est développé et qui relie les chansons entre elles. Ce disque est aussi un véritable hymne au rock, notamment grâce au magnifique jeu de guitare d'Alain Markusfeld. Tantôt rock avec Tabou-le-chat (identité), Easy-cat-rock ou Au pays de Tabou-le-chat, tantôt mélodieux avec Rue du Lys ou Chattemine, Verdier emmène l'auditeur dans un voyage où la poésie, en majorité en français, est parsemée de refrains et tirades en occitan, d'argot et d'expressions en anglais. Pendant la tournée qui suit cet album, Alain Markusfeld quitte le groupe, il est remplacé au pied levé par Pierre Fanen qui sera le guitariste du disque studio suivant.
Le nuage dans la tête paraît en 1978 et propose un ensemble un peu froid et figé par rapport à son prédécesseur, même s'il en est assez proche. II est vrai que l'équipe musicale a changé. Seuls Jean-François Leroi Anita Bonan et Jacques Verrecchia sont restés. Les nouveaux Arrivants que sont Pierre Fanen (guitares) et Dominique Bertram (basse) apportent un jeu et un sur différent. Ce qui explique l'aspect jazz-rock de la musique. L'occitan a disparu des textes des chansons hormis sur le refrain de Barracuda. Le doute se ressent dans les rythmiques saccadées, les paroles parfois torturées et certaines orchestrations étonnantes qui arrivent cependant à créer une ambiance qui n'est pas dénuée d'intérêt.
Cette même année sort une compilation des meilleures chansons de Verdier sous la forme d'un double album. Intitulé Joan Pau Verdier les grandes chansons, ces deux ,33 tours offrent un beau condensé des disques enregistrés jusque-là . Dis posées dans un ordre chronoIogique, les chansons montrent bien l'évolution de Verdier en Poésie musique, tant dans l'originalité que dans la diversité.

Dans le 33 tours Le Chantepleure de 1979, un équilibre s'établit entre les textes et la musique. La poésie, désormais tout en français, a des côtés très durs et très réalistes, par exemple dans Raconte-moi ta vie ou Le droit à l'oubli, et un côté très tendre dans Petit brugnon. Musicalement, le jeu de guitare de Pierre Fanen est mieux exploité que dans Le nuage dans la tête. Les musiques sont blues et rock, souvent mélodieuses comme le prouve par exemple la chanson Le bonheur. Dans ce disque, la notion de groupe disparais, les chansons sont le fruit du travail commun de Verdier et Fanen, avec la collaboration de Jacques Verrecchia et Luc Plouton sur certaines musiques. Jusqu'en 1983, date de la rupture de contrat entre Verdier et la maison de disque Philips (qui a jusqu'à présent diffusé tous les disques de Verdier), il n'y a plus que des 45 tours qui se ressemblent assez. Ils sont d'ailleurs dans la lignée du Chantepleure. II s'agit de Apollinaire street en 1979, Machita en 1982 et Plus rien à perdre en 1983.
A noter, la très belle Ballade d’Adrien en 1981 écrite pour le film de Jean-Pierre Denis (ancien camarade de Verdier) Histoire d’Adrien. Au départ, Verdier compose seulement la mélodie du film, mais cette musique connaît un bon accueil de la part du public. II décide alors d'y ajouter des paroles mi-français mi-occitan.
De la rencontre entre Verdier et Maurice Croze, poète originaire de Corrèze, naît un disque quatre titres intitulé Verdier chante Croze: « Chante-souvenir» qui paraît en 1986. Pour cet enregistrement Verdier fait travailler son ancien organiste Gilles Jérôme et une chanteuse récitante, Odile Moniot. Entièrement orchestrées par Verdier, les chansons sont d'une ambiance très douce et acoustique. Les mélodies sont bien servies par des incursions de piano, de synthétiseur et de guitare. La chanson La Dordogne a un refrain transcrit en occitan qui semble venir du fond des vallées.
1987, joan Pau Verdier sort le 33 tours Cinquième saison. il est accompagné par Odile Moniot (chant), Mick Martin (guitare électrique et choeur ) et surtout par Francis « Félix» Blanchard (ex Malicorne et Bernard Lavilliers) qui assure le piano, les claviers, l'alchimie sonore et les programmations! Véritable homme-orchestre, il sait se servir des multiples possibilités qui permettent à la musique de se faire tour à tour rock (Cinquième saison), mélodieuse (L’éternitat - L'éternité) et même humoristique dans la délirante chanson Dernière station (avant la déroute). L’occitan est présent sur quelques chansons, Hit en oc; L’éternita et la poésie est plus que jamais le fruit d’un Travail d'alchimiste.
En 1989, Joan Pau Verdier et Francis " Félix " Blanchard participent :à la création du groupe Bigaroc, dont Verdier est l'un des chanteur, avec des membres de Peiraguda et Blue jean Rebels. Un compact-disque paraît en 1991. Enregistré au studio de Francis Cabrel à Astaffort (ce disque est un mélange de rock, de blues et de folk, sur des paroles en majorité de Joan Pau Verdier, de Patrick Salinié et Jean Bonnefon du groupe Peiraguda. L'objectif de Bigaroc était un peu de devenir les Pogues occitans, malheureusement ce groupe cessera d'exister en 1991.
C'est à cette date que Verdier enregistre en concert à la chapelle de la Visitation de Périgueux son premier laser Pirouettes qui sort en 1992. Ce disque comporte cinq reprises (Chroniques du quotidien, Rue du Lys, On ferait comme si, Ballade d’Adrien et Hit en oc) et dix nouvelles chansons. Autour de Verdier et Blanchard, viennent se greffer Patrick Descamps (basse et accordéon), Didier Berguin (guitariste qui jouait dans Bigaroc) et Rose-Lyne Berguin (chant). II n'y a pas de batteur, du fait de la petite taille de la salle. Les parties de batterie ont été programmées à l'avance et sont contrôlées par Francis Blanchard. Les textes des chansons sont très travaillés et plein d'allusions, aussi diversifiés que la musique qui sait se faire à la fois rock, blues, tango ou folk.
Cette diversité musicale, Joan Pau Verdier la cultive encore dans le CD Vint ans aprèp qui sort en 1993. Le but de ce compact-disque (enregistré en prise directe pendant deux jours), qui n'est donc pas une compilation, est d'effectuer les reprises d'anciennes chansons en les réactualisant. Sept au total datant de 1973, 1974 et 1975 : La bona chançon (La bonne chanson) Presencias, La vièlha (La vieille), Legenda, Lo vilatge nejat (Le village noyé), T'aimarai et Ni Diu, ni mestre. Musicalement, l'obsession de ce disque est d'éviter à tout prix le folklore. Les sonorités jazz, blues et rock confortent d'ailleurs cette idée. L’autre particularité est que tous les textes sont en occitan, comme Pirouettes était quasiment tout en français. Un noyau commence à se former autour de Verdier avec Blanchard, Laurent Chopin (batterie), Didier Berguin (guitare, basse, harmonica).
Cette même année 1993, une réédition en compact de la compilation de 1978 est diffusée par Phonogram. L’ordre des morceaux et le choix des chansons sont changés sans l'avis de Verdier qui n'a pas été prévenu de la sortie de ce disque. II comporte à présent la quasi totalité d'Occitania sempre et quelques chansons allant de 1974 à 1978. Le choix des chansons et leur disposition étaient bien plus intéressants dans la compilation de 1978. De plus, il y a une erreur de titre, la chanson Dansa liura (Danse libre) est en réalité Sirventès II! « Les textes des chansons n'engagent que leurs auteurs » se plaisait à écrire Phonogram sur les pochettes des artistes qui s'impliquaient un peu trop à leurs yeux (Ange, Catherine Ribeiro + Alpes), encore faut-il être capable de retranscrire correctement l'oeuvre des artistes! On n'a pas plus consulté Verdier pour le choix de la pochette dont la photo, qui est vieille, ne lui correspond plus du tout. Pour compléter le tableau, des remerciements sont faits à des personnes que Verdier ne connaît même pas. Maledetto, Joan Pau!
L'esprit de groupe qui eut son apogée avec Tabou-le-chat est en train de renaître, il est nettement perceptible dans les deux derniers disques que vient d'enregistrer Verdier en 1996, mais qui ne sont pas encore distribués. L'un est composé de reprises de Léo Ferré, il s'intitule La mémoire et Ferré, l'autre s'appelle Veilleur de Sud .

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3 - Ses influences musicales et poétiques :
un éclectisme synonyme de richesse

C'est dès l'enfance que Verdier noue ses premiers contacts avec la musique. Il commence à apprendre la guitare classique à l'âge de dix ans, il aime jouer à cette époque-là de la musique folklorique espagnole. La musique traditionnelle occitane par contre n'est pas un style le qui l'intéresse outre mesure. C est tout de même une musique qui fait partie de son environnement culturel, Il en a intégré à sa création dans le disque Vivre. Un peu plus tard, il découvre le rock'n'roll qui vient d'outre Atlantique avec Gene Vincent, Eddie Cochran ou encore Bill Halev Ce style est répercuté en France par Johnny Hallyday? Eddy Mitchell et les Chaussettes Noires, les Chats Sauvages. Ce premier contact lui fait ;aimer le rock- et le son électrique qui le caractérise. Cet amour du rock va s'amplifier avec la découverte des Beatles, du protest-song de Bob Dvlan mais aussi avec le blues-rock d' Eric Clapton. de J.J. Cale et de Dire Straits. Plus qu une influence culturelle. le rock est une racine pour Joan Pau Verdier tout langage musical pouvant enrichir son discours l'intéresse; il peut s'agir de jazz, de tango ou de reggae. Cela montre ainsi son intérêt pour la pluralité des cultures.
Sa première approche de la poésie se fait au lycée où quelques professeurs de français lui font aimer Rimbaud, Apollinaire, Verlaine. Il trouve dans la chanson française de Brel et Brassens une autre forme de poésie qui l'intéresse Cependant, à l'âgé de 16 ans, il découvre Léo Ferré et c'est un choc. II est fasciné par son écriture, les thèmes qu'il aborde, l'esprit libertaire, sa mise en musique de Rutebeuf, Baudelaire, Verlaine, La découverte du personnage Ferré conforte l'envie que Verdier a de devenir chanteur.
Verlaine, Villon, Rutebeuf et Corbière sont des poètes qu'il affectionne particulièrement par les thèmes qu'ils développent (la solitude, les amours déçues, le poète maudit) et la manière dont ils les traitent. Dans un autre style poétique, l'écriture de Serge Gainsbourg (celle de Melody NeLson et de l'homme à tête de chou) a influencé Verdier dans certaines de ses compositions
Au début des années 70, quand Verdier décide de composer en occitan, par soucis de qualité poétique il décide de contacter son ancien camarade de classe Micheu Chadeuil. Très bon connaisseur de la langue, ce dernier ;avait le mérite plus que les autres poètes occitans d'exprimer ses idées dans un langage très riche et d une manière très habile.

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4 - La création poétique

La poésie de Verdier est d’une incomparable richesse cela selon plusieurs critères : sa technique poétique, son vocabulaire, le plaisir de travailler le mot et les thèmes qu'il aborde. Verdier a en lui l'amour de la rime, il la crée de façon naturelle car il a étudié le français et est passionné par la poésie. Elle est d'autant plus une excellente chose pour la mélodie On peut la trouver très classique comme dans Ma Marseillaise à moi : « Les petits cons miteux surgissant de l'ornière / Les anciens combattants sous leur débilité / Les soldats trop connus qui ne sont pas morts d'hier / Le bon français qui vient se réhabiliter » , En opposition, il compose des rimes beaucoup moins conventionnelles à l'image de celles qu'on trouve dans Tabou-le-chat (Identité) : « Pour les English il was born / Au pays de Bertrand de Born / II fut pop-chat à Liverpool / Chez des musics-cafards très cools.». Dans certaines chansons, il casse les mots établissant ainsi un rejet ,au vers suivant. technique très expressive comme dans Tabou le chat (Identité) : « II carbure au haschich / Entre deux chich- / Kébab de Dijon / Sur fond d'Bourbon »
Comme Rimbaud et surtout Ferré. Verdier utilise énormément la métaphore, ce qui apporte un côté surréaliste à son écriture déjà très imagée,; comme par exemple dans 1e bonheur qu'il qualifie (entre autres ) ainsi : «. C'est ton rêve égaré au-dessous du nombril ».
Joan Pau Verdier, quand il écrit ses textes, a une métrique propre ,aux gens du Sud. Elle consiste à utiliser des mots bien spécifiques et à les placer dans un certain ordre (cela est vraisemblablement dû à l'influence de la langue d'OC), facilitant ainsi le passage du Français à l’ occitan et vice-versa C. est d'ailleurs pour cela Il qu'il n’a eu aucune difficulté à  adapter Ni Dieu, ni maitre de Ferré en occitan. Cette métrique du sud renforce la complicité encre les deux langues qui peuvent .ainsi se compléter. Les exemples ne manquent pas et sont de toutes époques : Amarum (Amertume) en 1975, Proverbes et maximes en 1976 ou plus proche de nous J'avance à l'envers dans Veilleur de.Sud. A l'image (et aussi en conséquence ) de ses rimes qui sont parfois peu conventionnelles, la formulation des vers de Verdier est souvent bouleversée dans son ordre, soit par des coupures à des endroits inattendus (rejets) comme-, par exemple dans Comptine à bon compte: « En exit au sexe il / S’excitait en exil »  ou par une disposition originale du vers comme dans Complainte du grand duc : « Ecoute / Y’ad’la musique sur le hameau / Ecoute / C’est un baloche pianissimo / Il pleige / Quelques arpèges de lilas / Et toi tu rêves / Tu rêves sur mes chevaux de bois. »
Verdier utilise dans sa poésie un champ lexical très étendu qui puise dans le français, l’occitan en passant par l’anglais et l’argot. Il fait également sans cesse référence à son environnement culturel. Il convient d’ajouter à cela ce qu’on peut appeler des mots-clés. Ces mots reviennent souvent dans sa poésie. Ce sont aussi des tics de composition.
Le mot « mistoufle» par exemple est présent entre autres dans Le Chantepleure aussi bien que dans le Veilleur de Sud ou Vivre.
Le mot est pour Verdier une constante source de création. II n’a pas de préférence, quelque soit la nature du mot. Pour travailler le mot, Verdier utilise plusieurs procédés :
- l'allitération dans Comptine à bon Compte : «II occit tant et si / L'occitan sus-cité / Que Satan sans soucis / suscita cécité »,
- les transformations de mots ou d'expressions : « Non-lieu-dit », (Le droit à l'oubli) ou « Bon Dieu Vauvert », ( Un vers d ‘Apollinaire).
- le néologisme : «Coinceman »,-(Au pays de Tabou-le-chat) ou encore « Chatteminette» (Le droit à l’oubli.)
Les thèmes de Verdier sont variés. Dans toutes ses chansons, il se met en scène par le « je» et livre ainsi ses émotions, sa révolte. Verdier est comédien de lui-méme comme l’était aussi Léo Ferré. Les principaux centres d'intérêt de Verdier sont l'idéal libertaire, l'Occitane, la tendresse, sa culture, le thème du chat.
Joan Pau Verdier préfère l'expression « esprit libertaire» plutôt que le mot « anarchie » qui a souvent une connotation négative. C'est un état d'esprit qu'il revendique et qui apparais souvent dans son oeuvre, soit par allusions à des fleurons de ce mouvement (Ferré avec Ni Dieu, ni maître, ou Louise Michel avec L’eissapa de fuóc- L:écharpe de feu -, qui prit la défense de la cause canaque), soit en s'exprimant directement : «Je veux le droit à l'inutile, à la paresse / Je veux les hommes en liberté ci en tendresse » (La désirade).

Après l'esprit libertaire, arrive logiquement l'Occitanie qui est évoquée de plusieurs manières : de façon directe et quasi omniprésence sur Occitania sempre et L'exil ou plus suggérée mais nettement plus sincère dans Vint ans aprèp et Le veilleur de Sud Les médias ont toujours accentué le côté occitan de Verdier, le pittoresque fait vendre! Maintenant il n'en est plus rien, heureusement pour Verdier qui peut à présent s'exprimer plus librement sans étiquette. L’image donnée à Verdier était trop passéiste, alors que pour lui, chanter l'Occitanie, c'est chanter demain.
Un autre thème cher à Verdier : la tendresse. On la trouve dans On ferait comme si, Chattemine qui ne font pas rimer amour et toujours mais montrent une poésie plus profonde. La tendresse, pour Joan Pau Verdier, ne se limite bien sur pas à cela, il en éprouve pour ses contemporains (Ballade pour un paumé), pour sa langue (Occitania sempre) . Pour ses origines (rue du lys, Petrocorus blu ) ou encore pour les gens qui l’ont marqué (Vincent, le petit mec tout gris, un vers d’Appolinaire.)
L’environnement culturel de Verdier est omniprésent dans son oeuvre, il y fait passer toutes ses passions. Le plus bel exemple est le disque Pirouettes dans lequel est effectué un grand nombre d’allusions allant de John Lennon à Reiser en passant par Vincent Van Gogh, Boby Lapointe ou Apollinaire.
Le thème du chat est nettement développé dans Tabou-le chat avec tout ce qu'il a de fascinant en lui, à savoir la volupté, la paresse, l'indépendance, la liberté. Mais le chat est cité aussi indépendamment, à l'exemple de Veilleur de Sud qui commence par un ronronnement de chat. Ce dernier est d'ailleurs le point de départ de ce disque, avec cette phrase : «  Y’a plus un chat qui bouge »

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5 - Une composition musicale variée

 

On trouve dans les premiers disques de Verdier une musique qui est fortement attachée au texte et qui l'illustre de façon très imagée. Par exemple la montée d'orgue au début de Veiqui l’Occitan (Voici l'Occitan) exprime tout un peuple qui vient du fond de l'Occitanie pour crier sa colère. Dans la première version de Las maussieras, c'est un homme qui rentre avec ses sabots et qui entame un réquisitoire en faveur de l'Occitanie. Ce figuralisme musical était souvent soutenu par des harmonies assez folkloriques.
Mais Verdier se différenciait des autres chanteurs occitans auxquels il était associé (qui avaient tendance à trop se replier sur une guitare), par la volonté d'établir un ensemble musique et texte qui soit le plus riche possible. Il a été aidé en cela par Benoît Kaufman tout d'abord, puis plus tard par Pierre Fanen qui l'initie à l'arrangement et enfin par « Félix Blanchard qui lui fait découvrir l'importance de l'informatique en musique. Grâce à ces trois personnages, la composition musicale de Verdier est devenue bien plus riche, il peut surtout la travailler de manière plus rationnelle.
L’univers musical de Verdier est vaste, on peut distinguer dans ses chansons deux formes principales : la chanson classique (couplet refrain) et le discours (ce procédé est aussi utilisé par Léo Ferré et Bernard Lavilliers). La chanson classique comporte en général une belle mélodie qui suit les rimes du texte, c'est le cas de figure qui se rencontre le plus souvent. II faut toutefois préciser que si la construction musicale intègre l'existence d'un refrain, ce refrain n'en est pas tout à fait un, puisqu'à chacune de ses occurences dans la chanson, les paroles de ce refrain sont a chaque fois différentes... Des chansons comme Petit brugnon (Dans ton coin tu t'marres en douce / Y'a le soleil sur ta frimousse / P'tit brugnon / T'as treize balais dans les bottes / T'es pas mon fils t'es mon pore / P’tit brugnon) ou Rue du Lys en sont de magnifiques  exemples. Par contre, tout ce qui est moins formel (souvent sans rime ou alors très irrégulières) et sous forme de discours se déroule sur une base rythmique donnée. C'est aussi bien Faits divers I que Au pays de Tabou-le-chat en passant par Sirventès.
En fonction des musiciens de Verdier, la musique se fait différente avec toujours comme fonds commun l'influence du rock. Elle sait être folk dans Occitania sempre, L'exil, et Faits divers ou Vivre, très rock dans Tabou-le-chat (avec la participation d'Alain Markusfeld, très bon guitariste) et Vivre, jazz-rock-blues (notons ici l'importance de Pierre Fanen qui a joué entre autres avec Bill Deraime) dans Le nuage dans la tête et Le Chantepleure, plurielle dans Pirouettes et Vint ans aprèp (rock, blues. tango, jazz, etc.). Encore une fois, il serait trop réducteur d'en rester là, ceci n'est qu'une simplification de son univers musical. Il crée une musique toujours actuelle; parfois même en avance sur son temps. Dans les chansons Vivre ou Tabou-la-chat (Identité) Verdier fonctionne par rapport à des «grooves » de base, ce qui n’était pas commun à l'époque en France, pas plus que d'insérer des instruments électriques dans la chanson traditionnelle: Las maussieras, mélange de musique folklorique avec l'utilisation du thème limousin Enquero n’es pas jorn (II ne fait pas encore jour) et de rock.
Dresser le portrait de Joan Pau Verdier en quelques pages est forcément réducteur tant son oeuvre est foisonnante, passionnante et passionnée. Mais, c'est aussi l'occasion idéale pour faire découvrir ou redécouvrir au plus grand nombre Verdier, le dernier chantepleure.
« Je chante et pleure pour les sourds / Quand le silence a de l'humour / Dans le désert de mes faubourgs / Entre le pire et le meilleur / Je suis le dernier Chantepleure.»

 

Chantepleure:
“ Mot forgé a partir des impératifs des verbes -chanter et  pleurer, à cause du bruit que fait le liquide en coulant. Les dictionnaires lui attribuent plusieurs sens : Le robinet d'un tonneau, une sorte de long entonnoir, une fente pratiquée dans un mur pour l'écoulement des eaux ou la rigole dans la berge d un cours d eau. Son utilisation comme métaphore du travail de l'artiste remonte à François Villon
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