| |
Que sont
les chanteurs folk devenus, que le public a tant aimés ? Ils ont été très
clairsemés...
Après la
grande vague des années 70, le réveil des provinces n'a eu qu'un temps. Seuls
surnageront les artistes qui avaient un univers à eux, qui sont exempts des
reproches d'insincérité et de suivisme par rapport aux modes. Joan Pau Verdier
est de ceux-là. «Mi-oc mi-rock », écrivait un journaliste à son sujet, mais
cela est déjà réducteur par rapport à la fusion très personnelle que
représentent sa musique (ouverte au blues, cru blues-rock, au jazz-rock, au
reggae...) et ses textes (poètes classiques français, fiais, argot, franglais,
influences de Ferré et de Gainsbourg:..). Joan Pau Verdier chante toujours,
donc, vit à Sarlat (Périgord) .
1-
Le mouvement folk et régionaliste des années 70
A la Fin des
années 60 et au début des années 70, l'univers musical français connaît de
grands changements. Le rock qui s'est affirmé dans la période précédente
avec les Yéyés puis avec les Chats Sauvages
et les Chaussettes Noires, éclate littéralement avec des
groupes tels que les Variations, Triangle, Ange,
Magma, qui, à leur tour, investissent le Golf Drouot.
Côté chanson,
c'est la fin de l'époque bénie pendant laquelle continuent à officier les
géants Jacques Brel, Georges Brassens,
et Léo Ferré. Des chanteurs à textes surgissent
un peu partout, il s'agit de Henri Tachan, de Georges
Chelon ainsi que de Nino Ferrer et de Jacques
Dutronc, humoristes à l'écoute des rythmes américains, ou
encore de Georges Moustaki qui triomphe en 1969 avec
le Métèque. Suite à mai 1968, une chanson engagée mais aussi contestataire
• affirme avec bien sûr Léo Ferré. artiste
anarchiste, mais aussi Jacques Bertin, poète
révolutionnaire François Béranger, alors souvent
interdit de radio, Bernard Lavilliers qui est plus
révolté que révoIutionnaire, ou encore Jean-Max Brua,
spécialiste de la chanson-procès où la poésie fait de belles envolées. C’est
alors que des pop-poètes voient le jour, engagés eux aussi, l'image de Catherine
Ribeiro en collaboration avec le groupe Alpes, ou de
Jacques Higelin et d'Areski. Le
Folksong de Bob Dylan fait des émules en
France : Hugues Aufray ou Antoine en assurent les
premières adaptations. Mais ce sont des chanteurs tels que Graeme
Allwright, David Mc Neil et Dick Annegarn,
tous trois d'origines étrangères, qui font pénétrer ce style dans le paysage
français.
L'insurrection
en matière de chanson est donc totale et très éclectique. Elle s'installe
ensuite dans les principales régions de France que sont la Bretagne et
l'Occitanie. Ce mouvement revendique le retour aux sources, la conservation d'un
patrimoine culturel et linguistique, l'arrêt de l'exploitation des minorités
ethniques. Des festivals s'organisent un peu partout avec des chanteurs prônant
une nouvelle musique folk qui a pour but la sauvegarde des cultures régionales.
En Bretagne, cette démarche avait été amorcée par Glenmor dès
la fin des années 50. Ce chanteur, dans la tradition des bardes bretons est
l'auteur de longues chansons-réquisitoires. Il créera avec Gilles
Servat des labels indépendants de production et de diffusion de
disques. Il s'agit de Kelenn et Kalondour. Ce dernier produira par exemple le
groupe gallo Tri Yann an Naoned.
Servat, lui, est un peu le fils spirituel de Glenmor,
il a une démarche assez similaire. Mais leur combat engagé est moins riche que
l'inspiration d'Alan Stivell qui concilie la
redécouverte du patrimoine musical breton avec la création d'une musique de
son temps, ouverture de la Bretagne sur la France.
Sur les mêmes
bases de revendication, l'Occitanie engendre de nombreux chanteurs qui
instaurent la nouvelle chanson occitane (novela cançon occitana). Il s'agit à
la fin des années 60 de Broglia et de Marti.
Viennent ensuite Peir-Andrieu Delbeau, Patric,
Mans de Breich, qui, guitares à la
main, parcourent l'Occitanie. Ces artistes chantent tous en langue d'oc, ils
véhiculent des revendications régionalistes, économiques et culturelles. Le
plus militant d'entre eux est Claude Marti : ses
concerts se transforment souvent en meetings politiques. II chante d'ailleurs
devant un public conquis d'avance. Il a le mérite d'avoir créé (en
collaboration avec l'Institut d'Études Occitanes et Yves Rouquette,
poète occitan) la maison de disques Ventadorn qui édite la plupart des
chanteurs occitans. Quelques autres verront le jour comme par exemple Disc'Oc,
Revolum ou Junqué. Joan Pau Verdier, quant à lui, n'adopte pas
la même démarche que ces puristes occitans. Il fait ses premiers pas dans la
chanson à Bordeaux dans les cabarets. Il chante en français des compositions
personnelles et des reprises de Léo Ferré, Jacques
Brel ou Félix Lederc. Il n'est
nullement question de chanson occitane. II monte à Paris en 1969 et fait son
tour de chant dans les cabarets rive gauche. C'est à ce moment-là qu'il prend
conscience de son identité occitane; il dépoussière donc son occitan en
quelques mois, cette langue qu'il avait apprise étant enfant avec son
grand-père à Périgueux. Malheureusement, il lui est interdit de chanter en
langue d'oc dans les cabarets parisiens sauf au Maravedi, café tenu par la
chanteuse catalane Mara. Désireux d'enregistrer des chansons, il
contacte la maison de disques indépendante Ventadorn qui accepte de le
produire. C'est alors qu'éclate ce que l'on a appelé « l'affaire Verdier
», qui défraya la chronique. Effectivement, au lieu de sortir un disque chez
Ventadorn, Verdier signe chez Philips II s'attire ainsi les
foudres des Occitans purs et durs qui, en agissant de la sorte, au lieu de
servir l'Occitanie la détractent. Des artistes tels que Colette Magny,
Catherine Ribeiro ou Maxime Le
Forestier s'indignent de tels procédés. En effet, Verdier
est traité de « suppôt du capitalisme», il est boycotté par les mouvements
occitans alors très influents. Mais Verdier n'en a que faire, à
l'image d'Alan Stivell, il s'ouvre au grand public
en chantant en français et aussi en occitan. Ses créations sont originales et
il sait aller au-delà des revendications autonomistes qui limitent l'artiste
dans sa composition.
Artiste dont
l'art est toujours en adéquation avec son époque, comme le montre son parcours
musical, Joan Pau Verdier exploite une multitude de styles
poétiques et musicaux qui lui permettent d'évoluer sans cesse.
Retour
au début de la page.
2 - Le
parcours discographique et musical de Joan Pau Verdier
La
discographie de Verdier débute en 1973 par le 45 tours Desemplumat
(Désemplumé), suivi d'un 3 3 tours intitulé 0ccitania sempre (Occitanie
toujours) qui comporte une face en occitan et l’autre en français. Les
titres en occitan sont du poète périgourdin Micheu Chadeuil,
ancien camarade de classe de Joan Pau Verdier. Seul un titre
occitan est de Verdier: Chanti per tu (Je chante pour
toi), les textes en français sont aussi de lui. L'enregistrement de ces
chansons est très artisanal car il est effectué chez Benoît Kaufman,
musicien orchestrateur arrangeur qui travaille alors avec Verdier.
Ils jouent à eux seuls la totalité des instruments. La musique est folk, et
très basée sur la guitare acoustique avec de belles mélodies à l'orgue. Il
faut dire qu'à ce moment de sa carrière, Verdier a une formation de chanteur
de cabaret, c'est-à-dire qu'il est habitué à chanter guitare à la main. Il
va ensuite essayer de s'en détacher afin d'enrichir sa musique.
C'est dans
cette optique qu'est enregistré L'exil en novembre 1973, toujours avec Benoît
Kaufman mais avec cette nuance près: des musiciens de studio
viennent ornementer certaines chansons dont Soi una puta (Je suis une
pute), réponse de Chadeuil aux Occitanistes convaincus qui se
sont manifestés lors de « l'affaire Verdier». En effet, Verdier
a repris Chadeuil comme parolier sur quatre chansons. Comme dans Occitania
sempre, les thèmes des chansons sont assez occitanistes mais la musique
se fait plus rock. Verdier sollicite davantage les différentes sonorités de
l'orgue, de la batterie, de la guitare électrique aussi. Ce disque est aussi
l'occasion d'une magnifique chanson dédiée à Léo Ferré,
avec un texte d'une richesse incomparable qui se déroule sur une guitare toute
en arpèges et des contre-chants d'orgue (Maledetto, Léo.! )
Ferré est un
personnage important pour Joan Pau Verdier, c'est donc logiquement qu'on le
retrouve dans le disque Faits divers, avec la reprise en occitan de Ni Dieu,
ni maître qui devient Ni Diu ni mestre. Verdier a, pour ce 33 tours,
(paru en 1975) changé d'arrangeur. A la place de Kaufman, il travaille
avec Jean-Claude Déquéant, alors orchestrateur dYves Simon. Il bénéficie
aussi du groupe de ce dernier: Orphéon, composé de Christian Leroux
(guitares), JeanClaude Guselli (basse), Serge
Perathoner (claviers) et Dominique Bouvier
(batterie). On trouve dans ce disque de très riches orchestrations expliquant
les nombreux musiciens de studio présents pour l'enregistrement. L'un d'eux, Gilles
Jerome (déjà présent sur L'exil, a son importance puisqu'il est
depuis 1974 le musicien de scène de Verdier. La musique est assez
ambiguë car elle présente en même temps un aspect rock très intéressant
dans faits divers I et Il ou L e bal de la folie et un relatif côté
folklorique avec Legenda (Légende) et T'aimerai (Je
t'aimerai). Côté paroles, Chadeuil n'a composé qu'une seule
chanson Presencias (Présences), tous les autres textes sont de Verdier.
Ce disque obtient le Grand prix de l'association de la cri tique de
variétés.
En 1976, Joan
Pau Verdier enregistre le disque Vivre qui est empreint d'un bel esprit
rock avec un groupe d 'excellents musiciens que sont: Jean Kraut
(guitares), Didier Alexandre (basse), Gilles Jérome
(claviers) et Jean-François Leroi (batterie). Comme dans les
disques précédents, on constate un équilibre entre le français et l'occitan
aussi les reprises de trois anciennes chansons pour leur donner un nouveau
visage plus électrique. II s'agir de Vivre, Sirventès, et las
maussieras (les merises). De plus, trois musiciens de studio viennent
renforcer le travail de groupe de Verdier et ses musiciens. Jean-Michel
Hervé à la flûte traversière, Michel Ripoche
(du groupe Zoo) au violon et Claude Améziane
aux percussions amènent chorus et effets percussifs très enrichissants.
C'est avec Tabou-le-chat
qui sort en 1977 qu'un véritable groupe se forme autour de Verdier
avec la même base rythmique formée par Didier Alexandre (basse)
et Jean-François Leroi (batterie). Alain Markusfeld
(guitares) et Jacques Verrecchia (claviers) remplacent
respectivement Jean Kraut et Gilles Jérome. La
chanteuse Anita Bonan, elle aussi nouvelle venue, apporte un
précieux plus sur le plan vocal.
Tabou-le-chat
est un concept-album comme il en avait fait, par exemple, par le groupe Ange
avec Au-delà du délire. Ici c'est le thème du chat qui est développé et qui
relie les chansons entre elles. Ce disque est aussi un véritable hymne au rock,
notamment grâce au magnifique jeu de guitare d'Alain Markusfeld.
Tantôt rock avec Tabou-le-chat (identité), Easy-cat-rock
ou Au pays de Tabou-le-chat, tantôt mélodieux avec Rue du Lys ou
Chattemine, Verdier emmène l'auditeur dans un voyage où la poésie, en
majorité en français, est parsemée de refrains et tirades en occitan, d'argot
et d'expressions en anglais. Pendant la tournée qui suit cet album, Alain
Markusfeld quitte le groupe, il est remplacé au pied levé par Pierre
Fanen qui sera le guitariste du disque studio suivant.
Le nuage
dans la tête paraît en 1978 et propose un ensemble un peu froid et figé
par rapport à son prédécesseur, même s'il en est assez proche. II est vrai
que l'équipe musicale a changé. Seuls Jean-François Leroi Anita Bonan
et Jacques Verrecchia sont restés. Les nouveaux Arrivants que
sont Pierre Fanen (guitares) et Dominique
Bertram (basse) apportent un jeu et un sur différent. Ce qui
explique l'aspect jazz-rock de la musique. L'occitan a disparu des textes des
chansons hormis sur le refrain de Barracuda. Le doute se ressent dans les
rythmiques saccadées, les paroles parfois torturées et certaines
orchestrations étonnantes qui arrivent cependant à créer une ambiance qui
n'est pas dénuée d'intérêt.
Cette même
année sort une compilation des meilleures chansons de Verdier sous la forme
d'un double album. Intitulé Joan Pau Verdier les grandes
chansons, ces deux ,33 tours offrent un beau condensé des disques enregistrés
jusque-là . Dis posées dans un ordre chronoIogique, les chansons montrent bien
l'évolution de Verdier en Poésie musique, tant dans l'originalité que dans la
diversité.
Dans le 33
tours Le Chantepleure de 1979, un équilibre s'établit entre les textes
et la musique. La poésie, désormais tout en français, a des côtés très
durs et très réalistes, par exemple dans Raconte-moi ta vie ou Le droit à
l'oubli, et un côté très tendre dans Petit brugnon. Musicalement, le jeu de
guitare de Pierre Fanen est mieux exploité que dans Le nuage dans
la tête. Les musiques sont blues et rock, souvent mélodieuses comme le prouve
par exemple la chanson Le bonheur. Dans ce disque, la notion de groupe
disparais, les chansons sont le fruit du travail commun de Verdier
et Fanen, avec la collaboration de Jacques Verrecchia
et Luc Plouton sur certaines musiques. Jusqu'en
1983, date de la rupture de contrat entre Verdier et la maison de
disque Philips (qui a jusqu'à présent diffusé tous les disques
de Verdier), il n'y a plus que des 45 tours qui se ressemblent
assez. Ils sont d'ailleurs dans la lignée du Chantepleure. II s'agit de Apollinaire
street en 1979, Machita en 1982 et Plus rien à perdre en
1983.
A noter, la
très belle Ballade d’Adrien en 1981 écrite pour le film de Jean-Pierre
Denis (ancien camarade de Verdier) Histoire d’Adrien. Au
départ, Verdier compose seulement la mélodie du film, mais cette musique
connaît un bon accueil de la part du public. II décide alors d'y ajouter des
paroles mi-français mi-occitan.
De la rencontre
entre Verdier et Maurice Croze, poète originaire de
Corrèze, naît un disque quatre titres intitulé Verdier chante Croze:
« Chante-souvenir» qui paraît en 1986. Pour cet enregistrement Verdier fait
travailler son ancien organiste Gilles Jérôme et une chanteuse récitante, Odile
Moniot. Entièrement orchestrées par Verdier, les chansons sont
d'une ambiance très douce et acoustique. Les mélodies sont bien servies par
des incursions de piano, de synthétiseur et de guitare. La chanson La Dordogne
a un refrain transcrit en occitan qui semble venir du fond des vallées.
1987, joan
Pau Verdier sort le 33 tours Cinquième saison. il est accompagné par Odile
Moniot (chant), Mick Martin (guitare
électrique et choeur ) et surtout par Francis « Félix»
Blanchard (ex Malicorne et Bernard Lavilliers)
qui assure le piano, les claviers, l'alchimie sonore et les programmations!
Véritable homme-orchestre, il sait se servir des multiples possibilités qui
permettent à la musique de se faire tour à tour rock (Cinquième saison),
mélodieuse (L’éternitat - L'éternité) et même humoristique dans la
délirante chanson Dernière station (avant la déroute). L’occitan
est présent sur quelques chansons, Hit en oc; L’éternita et la
poésie est plus que jamais le fruit d’un Travail d'alchimiste.
En 1989, Joan
Pau Verdier et Francis " Félix " Blanchard
participent :à la création du groupe Bigaroc, dont Verdier
est l'un des chanteur, avec des membres de Peiraguda et Blue jean Rebels. Un
compact-disque paraît en 1991. Enregistré au studio de Francis Cabrel
à Astaffort (ce disque est un mélange de rock, de blues et de folk, sur des
paroles en majorité de Joan Pau Verdier, de Patrick
Salinié et Jean Bonnefon du groupe Peiraguda.
L'objectif de Bigaroc était un peu de devenir les Pogues
occitans, malheureusement ce groupe cessera d'exister en 1991.
C'est à cette
date que Verdier enregistre en concert à la chapelle de la
Visitation de Périgueux son premier laser Pirouettes qui sort en 1992.
Ce disque comporte cinq reprises (Chroniques du quotidien, Rue du Lys,
On ferait comme si, Ballade d’Adrien et Hit en oc) et dix
nouvelles chansons. Autour de Verdier et Blanchard,
viennent se greffer Patrick Descamps (basse et
accordéon), Didier Berguin (guitariste qui jouait dans Bigaroc)
et Rose-Lyne Berguin (chant). II n'y a pas de
batteur, du fait de la petite taille de la salle. Les parties de batterie ont
été programmées à l'avance et sont contrôlées par Francis Blanchard.
Les textes des chansons sont très travaillés et plein d'allusions, aussi
diversifiés que la musique qui sait se faire à la fois rock, blues, tango ou
folk.
Cette
diversité musicale, Joan Pau Verdier la cultive encore dans le CD
Vint ans aprèp qui sort en 1993. Le but de ce compact-disque (enregistré en
prise directe pendant deux jours), qui n'est donc pas une compilation, est
d'effectuer les reprises d'anciennes chansons en les réactualisant. Sept au
total datant de 1973, 1974 et 1975 : La bona chançon (La bonne chanson)
Presencias, La vièlha (La vieille), Legenda, Lo
vilatge nejat (Le village noyé), T'aimarai et Ni Diu, ni
mestre. Musicalement, l'obsession de ce disque est d'éviter à tout prix le
folklore. Les sonorités jazz, blues et rock confortent d'ailleurs cette idée.
L’autre particularité est que tous les textes sont en occitan, comme
Pirouettes était quasiment tout en français. Un noyau commence à se former
autour de Verdier avec Blanchard, Laurent Chopin (batterie), Didier
Berguin (guitare, basse, harmonica).
Cette même
année 1993, une réédition en compact de la compilation de 1978 est diffusée
par Phonogram. L’ordre des morceaux et le choix des chansons sont changés
sans l'avis de Verdier qui n'a pas été prévenu de la sortie de ce disque. II
comporte à présent la quasi totalité d'Occitania sempre et quelques chansons
allant de 1974 à 1978. Le choix des chansons et leur disposition étaient bien
plus intéressants dans la compilation de 1978. De plus, il y a une erreur de
titre, la chanson Dansa liura (Danse libre) est en réalité Sirventès
II! « Les textes des chansons n'engagent que leurs auteurs » se plaisait
à écrire Phonogram sur les pochettes des artistes qui s'impliquaient un peu
trop à leurs yeux (Ange, Catherine Ribeiro + Alpes), encore
faut-il être capable de retranscrire correctement l'oeuvre des artistes! On n'a
pas plus consulté Verdier pour le choix de la pochette dont la
photo, qui est vieille, ne lui correspond plus du tout. Pour compléter le
tableau, des remerciements sont faits à des personnes que Verdier
ne connaît même pas. Maledetto, Joan Pau!
L'esprit de
groupe qui eut son apogée avec Tabou-le-chat est en train de renaître, il est
nettement perceptible dans les deux derniers disques que vient d'enregistrer
Verdier en 1996, mais qui ne sont pas encore distribués. L'un est composé de
reprises de Léo Ferré, il s'intitule La
mémoire et Ferré, l'autre s'appelle Veilleur de Sud .
Retour
au début de la page.
3 - Ses
influences musicales et poétiques :
un
éclectisme synonyme de richesse
C'est dès
l'enfance que Verdier noue ses premiers contacts avec la musique.
Il commence à apprendre la guitare classique à l'âge de dix ans, il aime
jouer à cette époque-là de la musique folklorique espagnole. La musique
traditionnelle occitane par contre n'est pas un style le qui l'intéresse outre
mesure. C est tout de même une musique qui fait partie de son environnement
culturel, Il en a intégré à sa création dans le disque Vivre. Un peu plus
tard, il découvre le rock'n'roll qui vient d'outre Atlantique avec Gene
Vincent, Eddie Cochran ou encore Bill Halev Ce style est
répercuté en France par Johnny Hallyday? Eddy Mitchell
et les Chaussettes Noires, les Chats Sauvages.
Ce premier contact lui fait ;aimer le rock- et le son électrique qui le
caractérise. Cet amour du rock va s'amplifier avec la découverte des Beatles,
du protest-song de Bob Dvlan mais aussi avec le blues-rock d' Eric
Clapton. de J.J. Cale et de Dire
Straits. Plus qu une influence culturelle. le rock est une racine pour Joan
Pau Verdier tout langage musical pouvant enrichir
son discours l'intéresse; il peut s'agir de jazz, de tango ou de reggae. Cela
montre ainsi son intérêt pour la pluralité des cultures.
Sa première
approche de la poésie se fait au lycée où quelques professeurs de français
lui font aimer Rimbaud, Apollinaire, Verlaine.
Il trouve dans la chanson française de Brel et Brassens
une autre forme de poésie qui l'intéresse Cependant, à l'âgé de 16 ans, il
découvre Léo Ferré et c'est un choc. II est fasciné par son
écriture, les thèmes qu'il aborde, l'esprit libertaire, sa mise en musique de Rutebeuf,
Baudelaire, Verlaine, La découverte du personnage Ferré
conforte l'envie que Verdier a de devenir chanteur.
Verlaine,
Villon, Rutebeuf et Corbière sont des poètes qu'il
affectionne particulièrement par les thèmes qu'ils développent (la solitude,
les amours déçues, le poète maudit) et la manière dont ils les traitent.
Dans un autre style poétique, l'écriture de Serge Gainsbourg
(celle de Melody NeLson et de l'homme à tête de chou) a influencé Verdier
dans certaines de ses compositions
Au début des
années 70, quand Verdier décide de composer en occitan, par
soucis de qualité poétique il décide de contacter son ancien camarade de
classe Micheu Chadeuil. Très bon connaisseur de la
langue, ce dernier ;avait le mérite plus que les autres poètes occitans
d'exprimer ses idées dans un langage très riche et d une manière très
habile.
Retour
au début de la page.
La poésie
de Verdier est d’une incomparable richesse cela selon plusieurs
critères : sa technique poétique, son vocabulaire, le plaisir de travailler le
mot et les thèmes qu'il aborde. Verdier a en lui l'amour de la rime, il la
crée de façon naturelle car il a étudié le français et est passionné par
la poésie. Elle est d'autant plus une excellente chose pour la mélodie On peut
la trouver très classique comme dans Ma Marseillaise à moi : « Les
petits cons miteux surgissant de l'ornière / Les anciens combattants sous leur
débilité / Les soldats trop connus qui ne sont pas morts d'hier / Le bon
français qui vient se réhabiliter » , En opposition, il compose des rimes
beaucoup moins conventionnelles à l'image de celles qu'on trouve dans Tabou-le-chat
(Identité) : « Pour les English il was born / Au pays de Bertrand de
Born / II fut pop-chat à Liverpool / Chez des musics-cafards très cools.».
Dans certaines chansons, il casse les mots établissant ainsi un rejet ,au vers
suivant. technique très expressive comme dans Tabou le chat (Identité) :
« II carbure au haschich / Entre deux chich- / Kébab de Dijon / Sur fond
d'Bourbon »
Comme Rimbaud
et surtout Ferré. Verdier utilise énormément la
métaphore, ce qui apporte un côté surréaliste à son écriture déjà très
imagée,; comme par exemple dans 1e bonheur qu'il qualifie (entre autres ) ainsi
: «. C'est ton rêve égaré au-dessous du nombril ».
Joan Pau
Verdier, quand il écrit ses textes, a une métrique propre ,aux gens du
Sud. Elle consiste à utiliser des mots bien spécifiques et à les placer dans
un certain ordre (cela est vraisemblablement dû à l'influence de la langue d'OC),
facilitant ainsi le passage du Français à l’ occitan et vice-versa C. est
d'ailleurs pour cela Il qu'il n’a eu aucune difficulté à adapter Ni
Dieu, ni maitre de Ferré en occitan. Cette métrique du sud
renforce la complicité encre les deux langues qui peuvent .ainsi se compléter.
Les exemples ne manquent pas et sont de toutes époques : Amarum (Amertume)
en 1975, Proverbes et maximes en 1976 ou plus proche de nous J'avance à
l'envers dans Veilleur de.Sud. A l'image (et aussi en conséquence ) de
ses rimes qui sont parfois peu conventionnelles, la formulation des vers de
Verdier est souvent bouleversée dans son ordre, soit par des coupures à des
endroits inattendus (rejets) comme-, par exemple dans Comptine à bon compte: «
En exit au sexe il / S’excitait en exil » ou par une disposition
originale du vers comme dans Complainte du grand duc : « Ecoute / Y’ad’la
musique sur le hameau / Ecoute / C’est un baloche pianissimo / Il pleige /
Quelques arpèges de lilas / Et toi tu rêves / Tu rêves sur mes chevaux de
bois. »
Verdier utilise
dans sa poésie un champ lexical très étendu qui puise dans le français, l’occitan
en passant par l’anglais et l’argot. Il fait également sans cesse
référence à son environnement culturel. Il convient d’ajouter à cela ce qu’on
peut appeler des mots-clés. Ces mots reviennent souvent dans sa poésie. Ce
sont aussi des tics de composition.
Le mot « mistoufle»
par exemple est présent entre autres dans Le Chantepleure aussi bien que
dans le Veilleur de Sud ou Vivre.
Le mot est pour
Verdier une constante source de création. II n’a pas de
préférence, quelque soit la nature du mot. Pour travailler le mot, Verdier
utilise plusieurs procédés :
-
l'allitération dans Comptine à bon Compte : «II occit tant et si /
L'occitan sus-cité / Que Satan sans soucis / suscita cécité »,
- les
transformations de mots ou d'expressions : « Non-lieu-dit », (Le
droit à l'oubli) ou « Bon Dieu Vauvert », ( Un vers d ‘Apollinaire).
- le
néologisme : «Coinceman »,-(Au pays de Tabou-le-chat) ou encore «
Chatteminette» (Le droit à l’oubli.)
Les thèmes de
Verdier sont variés. Dans toutes ses chansons, il se met en scène par le «
je» et livre ainsi ses émotions, sa révolte. Verdier est
comédien de lui-méme comme l’était aussi Léo Ferré. Les
principaux centres d'intérêt de Verdier sont l'idéal
libertaire, l'Occitane, la tendresse, sa culture, le thème du chat.
Joan Pau
Verdier préfère l'expression « esprit libertaire» plutôt que le mot
« anarchie » qui a souvent une connotation négative. C'est un état d'esprit
qu'il revendique et qui apparais souvent dans son oeuvre, soit par allusions à
des fleurons de ce mouvement (Ferré avec Ni Dieu, ni
maître, ou Louise Michel avec L’eissapa de fuóc-
L:écharpe de feu -, qui prit la défense de la cause canaque), soit en
s'exprimant directement : «Je veux le droit à l'inutile, à la paresse / Je
veux les hommes en liberté ci en tendresse » (La désirade).
Après l'esprit
libertaire, arrive logiquement l'Occitanie qui est évoquée de plusieurs
manières : de façon directe et quasi omniprésence sur Occitania sempre
et L'exil ou plus suggérée mais nettement plus sincère dans Vint
ans aprèp et Le veilleur de Sud Les médias ont toujours accentué
le côté occitan de Verdier, le pittoresque fait vendre!
Maintenant il n'en est plus rien, heureusement pour Verdier qui
peut à présent s'exprimer plus librement sans étiquette. L’image donnée à
Verdier était trop passéiste, alors que pour lui, chanter
l'Occitanie, c'est chanter demain.
Un autre thème
cher à Verdier : la tendresse. On la trouve dans On ferait comme
si, Chattemine qui ne font pas rimer amour et toujours mais montrent une poésie
plus profonde. La tendresse, pour Joan Pau Verdier, ne se limite
bien sur pas à cela, il en éprouve pour ses contemporains (Ballade pour un
paumé), pour sa langue (Occitania sempre) . Pour ses origines (rue
du lys, Petrocorus blu ) ou encore pour les gens qui l’ont marqué (Vincent,
le petit mec tout gris, un vers d’Appolinaire.)
L’environnement
culturel de Verdier est omniprésent dans son oeuvre, il y fait
passer toutes ses passions. Le plus bel exemple est le disque Pirouettes dans
lequel est effectué un grand nombre d’allusions allant de John Lennon
à Reiser en passant par Vincent Van Gogh,
Boby Lapointe ou Apollinaire.
Le thème du
chat est nettement développé dans Tabou-le chat avec tout ce qu'il a de
fascinant en lui, à savoir la volupté, la paresse, l'indépendance, la
liberté. Mais le chat est cité aussi indépendamment, à l'exemple de Veilleur
de Sud qui commence par un ronronnement de chat. Ce dernier est d'ailleurs le
point de départ de ce disque, avec cette phrase : « Y’a plus un chat
qui bouge »
Retour
au début de la page.
5
- Une composition musicale variée
On trouve dans
les premiers disques de Verdier une musique qui est fortement attachée au texte
et qui l'illustre de façon très imagée. Par exemple la montée d'orgue au
début de Veiqui l’Occitan (Voici l'Occitan) exprime tout un peuple qui vient
du fond de l'Occitanie pour crier sa colère. Dans la première version de Las
maussieras, c'est un homme qui rentre avec ses sabots et qui entame un
réquisitoire en faveur de l'Occitanie. Ce figuralisme musical était souvent
soutenu par des harmonies assez folkloriques.
Mais Verdier
se différenciait des autres chanteurs occitans auxquels il était associé (qui
avaient tendance à trop se replier sur une guitare), par la volonté d'établir
un ensemble musique et texte qui soit le plus riche possible. Il a été aidé
en cela par Benoît Kaufman tout d'abord, puis plus tard par Pierre Fanen
qui l'initie à l'arrangement et enfin par « Félix Blanchard qui
lui fait découvrir l'importance de l'informatique en musique. Grâce à ces
trois personnages, la composition musicale de Verdier est devenue
bien plus riche, il peut surtout la travailler de manière plus rationnelle.
L’univers
musical de Verdier est vaste, on peut distinguer dans ses chansons
deux formes principales : la chanson classique (couplet refrain) et le discours
(ce procédé est aussi utilisé par Léo Ferré et Bernard
Lavilliers). La chanson classique comporte en général une belle
mélodie qui suit les rimes du texte, c'est le cas de figure qui se rencontre le
plus souvent. II faut toutefois préciser que si la construction musicale
intègre l'existence d'un refrain, ce refrain n'en est pas tout à fait un,
puisqu'à chacune de ses occurences dans la chanson, les paroles de ce refrain
sont a chaque fois différentes... Des chansons comme Petit brugnon (Dans ton
coin tu t'marres en douce / Y'a le soleil sur ta frimousse / P'tit brugnon /
T'as treize balais dans les bottes / T'es pas mon fils t'es mon pore / P’tit
brugnon) ou Rue du Lys en sont de magnifiques exemples. Par
contre, tout ce qui est moins formel (souvent sans rime ou alors très
irrégulières) et sous forme de discours se déroule sur une base rythmique
donnée. C'est aussi bien Faits divers I que Au pays de Tabou-le-chat
en passant par Sirventès.
En fonction des
musiciens de Verdier, la musique se fait différente avec toujours comme fonds
commun l'influence du rock. Elle sait être folk dans Occitania sempre, L'exil,
et Faits divers ou Vivre, très rock dans Tabou-le-chat
(avec la participation d'Alain Markusfeld, très bon guitariste)
et Vivre, jazz-rock-blues (notons ici l'importance de Pierre Fanen
qui a joué entre autres avec Bill Deraime) dans Le nuage dans
la tête et Le Chantepleure, plurielle dans Pirouettes et Vint
ans aprèp (rock, blues. tango, jazz, etc.). Encore une fois, il serait trop
réducteur d'en rester là, ceci n'est qu'une simplification de son univers
musical. Il crée une musique toujours actuelle; parfois même en avance sur son
temps. Dans les chansons Vivre ou Tabou-la-chat (Identité) Verdier
fonctionne par rapport à des «grooves » de base, ce qui n’était pas commun
à l'époque en France, pas plus que d'insérer des instruments électriques
dans la chanson traditionnelle: Las maussieras, mélange de musique
folklorique avec l'utilisation du thème limousin Enquero n’es pas jorn (II ne
fait pas encore jour) et de rock.
Dresser le
portrait de Joan Pau Verdier en quelques pages est forcément
réducteur tant son oeuvre est foisonnante, passionnante et passionnée. Mais,
c'est aussi l'occasion idéale pour faire découvrir ou redécouvrir au plus
grand nombre Verdier, le dernier chantepleure.
« Je chante
et pleure pour les sourds / Quand le silence a de l'humour / Dans le désert de
mes faubourgs / Entre le pire et le meilleur / Je suis le dernier
Chantepleure.»
Chantepleure: |
“
Mot forgé a partir des impératifs des verbes -chanter et pleurer,
à cause du bruit que fait le liquide en coulant. Les dictionnaires lui
attribuent plusieurs sens : Le robinet d'un tonneau, une sorte de long
entonnoir, une fente pratiquée dans un mur pour l'écoulement des eaux ou
la rigole dans la berge d un cours d eau. Son utilisation comme métaphore
du travail de l'artiste remonte à François Villon |
|